mardi 16 février 2021

Soleil jusqu'à la fin, de Mélanie Georgelin


titre : Soleil jusqu'à la fin

autrice : Mélanie Georgelin

édition : Sarbacane

collection : Exprim'

parution : 3 février 2021

coût : 16€








4ème de couverture : 


"Un soir d'hiver, avec tante Teresa, 
on a quitté le bitume de mon enfance. 
C'est arrivé parce que Maman a claqué 
comme une ampoule. Clac, fini la vie, 
fini, d'un coup d'un seul elle a claqué. 
Noir complet." 

Amaya a douze ans quand elle voit sa mère mourir de chagrin, après le départ brutal de son père avec une Arlésienne. Aussi sauvage que sa tignasse indomptable, adulte avant l’âge, habituée à s’occuper de ses parents, elle atterrit dans un orphelinat, y enchaîne les joies et les chagrins, découvre une ribambelle de mômes brisés et d’adultes bancals qu’elle tente de réanimer comme elle peut, à coups d’histoires saugrenues et de mensonges poétiques.
Mais ce mode de survie n’a qu’un temps : Amaya est vite rattrapée par la vie telle qu’elle est, celle qui frappe sans crier gare et qui ne fait pas de quartiers. Jusqu’à ce qu’elle débarque chez Pierrot et Madeleine, un couple de vieux fous amoureux, étranges et facétieux, avec qui elle va découvrir de nouveaux horizons…



Avis : 



Merci aux Editions Sarbacane pour cet envoi, et à Laure pour le choix, ce fut un coup de cœur !


«  - Pour l'instant, tout est difficile... Un enfant n'a pas voix au chapitre. Et puis un jour, tu verras, on est adulte, et on commence à avoir le choix. Le choix de tout, certainement pas, et d'ailleurs, ça dépend des vies, faut pas se raconter des idioties. Mais comme j'ai réfléchi à ces questions depuis longtemps, je pense qu'on a toujours au moins un choix : celui de qui on veut être, au sens où on peut choisir, même dans les situations les plus moches, de rester humain. Je crois que c'est notre seule liberté. »



Amaya est une petite fille de 12 ans, c’est jeune 12 ans pour supporter toutes les merdes qui lui arrivent. Alors, pour ne pas s’effondrer, Amaya s’est construit une carapace. Un carapace pleine de  cynisme avec un caractère bien trempé.

« « La vie c'est une tartine de merde, et on en mange un peu tous les jours », disait ma mère, je m'en souviens. »


Et cette carapace cache en fait une petite chose sensible et douce. Mais, c’est dur de se montrer vulnérable n’est-ce-pas ? Pour moi, Soleil jusqu’à la fin, c’est ça : apprendre, non plus à survivre, mais à vivre. A vivre avec toute la difficulté de la vie, en l’acceptant, en la comprenant, en l’aimant même peut-être ? 

« Si tu estimes que ce que je dis est débile, dis-toi que j'essaie seulement de compenser l'absurdité de ce monde. »



Mais qu’est-ce que ce livre m’a donné une claque! Et même plusieurs. Parfois, je me dis que c’est pas humain d’avoir ces vies-là, les « foutus » de la vie, que c’est pas humain de faire souffrir comme ça, de ne pas se rendre compte de la douleur que l’on engendre, de la douleur qui existe autour de nous. Ça oppresse, coupe le souffle.

« En vérité, je suis cernée, Albert. A droite et à gauche. A tel point que la misère me sort par les trous de nez. Excusez-moi, je voudrais sortir, sortir de la vie, cette vie pourrie ! Putain mais laissez-moi passer, je cherche la sortie de secours ! Je n'arrive plus à chantonner gaiement dans la nuit noire. J'ai peur. Et dans mon corps, ça brûle. J'en peux plus, je voudrais hurler. Allô, allô, il y a quelqu'un ? Mais rien, ici tu peux t'évertuer à crier "allô, allô", ma parole Albert, y'a d'la merde dans le tuyau. »



Ce deuxième choc qu’Amaya a vécu, c’est le pire. C’était horrible, cruel. Je l’ai senti en moi, qui me coupa le souffle, choc boum. Je savais plus quoi penser, quoi faire. J’étais comme morte moi aussi.



Elle en bave Amaya, et la narration le retranscrit parfaitement. Suivant qu’il s’agisse de ses pensées ou de dialogues, le langage n’a pas la même violence, pas la même construction. Mots d’adultes et tournures d’enfants. Mais les mots d’Amaya restent durs, elle te les jette à la gueule, les crache. Pourtant, derrière, on peut apercevoir un certain aspect enfantin, naïf. Elle garde un espoir, parfois qui blesse, elle se raconte des histoires. 

« Parfois, c'est vrai, la vérité je m'en fous, je raconte n'importe quoi, pourvu que ça mousse. Parce qu'on a beau dire et faire les braves, on a tous un jour ou l'autre besoin de se colmater.

Pourquoi tu crois, Albert, que nos bennes sont toujours pleines à craquer ? On consomme pour oublier la vie, la vie telle qu'elle est. »


Parce que, même après tout ce qu’elle a vécu, Amaya, c’est une enfant, et rien ne peut lui enlever toute son enfance dans son entièreté. Elle en a de l’imagination, elle s’y est réfugiée avec Soledad, sa poupée, et nous on la suit, nous, « Albert », interlocuteur imaginaire d’Amaya.

« Me vient qu'il y a nos mères et les mères de nos mères et nous formons des ribambelles de femmes, comme des poupées russes. Des ventres et des sourires s'alignent puis sombrent dans la nuit de l'Histoire, et on a beau courir après, ces sourires tombent et ne reviennent jamais. Nos mères, elles sont englouties, Albert. »



Dans ces deux cents pages, Amaya évolue, réapprend à vivre, à croire en l’espoir de vivre. Et c’est beau d’une certaine façon. On apprend avec elle, on la voit grandir, traverser les étapes de sa vie, plus ou moins belles, plus ou moins dures. L’espoir à la fin, c’est aussi ça que je retiens, malgré toute la dureté de la vie, il y a de l’espoir, il faut apprendre à le voir.

« C'est ça, je crois, le pire de tout ce à quoi je peux penser face à la mort de ma mère ; qu'on peut en sortir, la psy. On peut ! Et elle, elle le saura jamais. »


Ce livre fut un coup de cœur, un coup de poing, une claque monumentale qui m’a coupé le souffle, fait pleurer (ou du moins, donné fortement l’envie), qui m’a submergée de tous ces malheurs, et puis à la fin, qui m’a fait relever la tête, sortir de l’eau, comme Amaya, et j’ai souri, et espéré.


Mini spoiler dans ces citations : 

« Je souris, je crois pour la première fois, à mon origine, celle qu'on déteste longtemps, qu'on cherche à semer, quitte à se perdre et qu'on se surprend un jour à aimer. Je suis de ces êtres ordinaires, un peu cassés, un peu ratés, mais qui poursuivent leur chemin, de mieux qu'ils le peuvent. Et je comprends que je veux rester parmi ceux-là, les petits, les foutus, les vaincus. Je pense à Ruby, à Tom, à Jeannot, à Pépito, à Danaé, à mes amis d'avant, et d'une certaine façon, même si je m'en sors, même si je pars vivre avec ma tante Teresa, je reste avec eux. Je ne les quitte pas. Parce que je ne suis sauvée de rien, et je ne veux même pas l'être : être sauvée suppose toujours qu'on laisse des gens derrière soi. »


« Moi, je voudrais seulement retomber comme un petit soufflet au fromage, et ne plus croire qu'il existe mieux après, plus loin, plus tard. Que l'herbe est plus verte ou plus tendre ailleurs. Je m'en fous. J'ai que cette vie-là, la mienne, et je m'apprête à la retrouver, à regagner ma cité, sans fleurs, sans couronnes, ma cité de béton qui m'a craqué mon père, ma cité de charbon où j'ai perdu ma mère. Je suis prête à aimer ce que j’ai. » 


C'est vrai que cette chronique est construite bizarrement. Durant ma lecture, certaines phrases m'ont comme sauté à la figure, je voulais m'en souvenir, je voulais les partager. J'ai aussi, cette fois-ci, écrit ma chronique tout au long de ma lecture. En la reprenant, et en l'organisant, je me suis rendue compte que j'avais une citation par point. Est-ce de relever les citations qui m'a impulsé un avis ? Je pense, et puis, la plume de Mélanie Georgelin est si percutante, je me devais de vous la partager.


Avertissements : 
(surligner pour voir, cela peut potentiellement divulguer l'intrigue)
viol - maltraitance sur enfant -

4 commentaires:

  1. Un Exprim pour lequel je n'ai pas craqué, mais j'avoue que tu me rends curieuse avec ce coup de cœur ! Il a l'air aussi difficile que touchant.

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    1. Il m'a beaucoup touché, si tu as l'occasion de le lire, je te le conseilles Marinette :)

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  2. C'est la première fois que j'entends parler de ce livre et quel avis !
    Même si certains points semblent difficiles, je suis bien tentée :)

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    1. Je suis contente si j'ai réussi à retranscrire mon avis, et d'autant plus s'il te fait de l'oeil maintenant ;)

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