4ème de couverture :
Une station-service, une nuit d’été, dans les Ardennes. Sous la lumière crue des néons, ils sont douze à se trouver là, en compagnie d’un cheval et d’un macchabée. Juliette, la caissière, et son collègue Sébastien, marié à Mauricio. Alika, la nounou philippine, Chelly, prof de pole dance, Joseph, représentant en acariens… Il est 23h12. Dans une minute tout va basculer. Chacun d’eux va devenir le héros d’une histoire, entre lesquelles vont se tisser parfois des liens. Un livre composite pour rire et pleurer ou pleurer de rire sur nos vies contemporaines.
Comme dans son premier roman, La Vraie Vie, l’autrice campe des destins délirants, avec humour et férocité. Elle ne nous épargne rien, Adeline Dieudonné : meurtres, scènes de baise, larmes et rires. Cependant, derrière le rire et l’inventivité débordante, Kerozene interroge le sens de l’existence et fustige ce que notre époque a d’absurde.
Mon avis :
Chacun raconte un pan de sa vie. Une partie qui peut, ou non, expliquer leur présence dans cette station service. Parce que oui, j’ai oublié de le dire : ces 13 personnages ont un point en commun, ils se trouvent sur une aire d’autoroute des Ardennes. A partir de là, Adeline Dieudonné joue avec eux. Elle les fait se rencontrer, se croiser, elle raconte leur passé plus ou moins loin. J’ai vraiment eu cette impression de jeu. Avec des chapitres indépendants les uns des autres qui équivaut chacun à une histoire, l’autrice tisse des liens entre ses personnages, se fait marionnettiste du roman. Je dois avouer que ce jeu m’a quelque peu perdue ; j’avais du mal à différencier chaque personnage, qui était qui, qui avait rencontré qui… La fin m’a paru abrupte après avoir écouté tant de voix différentes, je n’y étais absolument pas préparée, et je ne pense pas l’avoir bien comprise.
J’ai dit que cette construction circulaire était la seconde chose qui m’avait frappée à la fin du roman, la première étant une sensation de malaise. Le livre s’ouvre sur une phrase choc : « 23h12. Si on compte le cheval mais qu’on exclu le cadavre, quatorze personnes sont présentes à cette heure précise. » (ça rappelle un certain incipit…). Elle donne de suite le ton au roman : une fascination perverse et jubilatoire. Avec ses phrases courtes tombant d’un coup comme une pierre, les pages s’enchaînent à une rapidité monstre qui accentue la sensation douce-amère de la fin. Les mots et leur sens nous explosent à la figure, tellement qu’il nous semble être au milieu de l’action et l’on se sent souillé, à la fois épié et voyeur.
A travers des personnages tous plus dérangeants les uns que les autres, Adeline Dieudonné dépeint une société contemporaine d’une violence inouïe. Toutes ces vies fracassées, si névrosées qu’on ne peut qu’espérer qu’elles ont été inventées, ça fait peur. Au milieu de tous les narrateurs, Red Apple, un cheval, paradoxalement le plus humain de tous, et ma plus grande surprise aussi. Dans les autres chapitres, on subit une vie malsaine qu’on a aidé à créer, ici, on est l’innocent qui vient de naître, l’enfant qui ne connait pas la vie et à qui on fout une baffe pour la lui expliquer. On est dans la tête de Red Apple, une sorte de parenthèse entre des scènes de sexe et d’une morbidité sans nom, la violence est moins poignante mais n’en reste pas moins présente devant ce regard naïf qui découvre l’incompréhensible cruauté de l’humanité.
Oui, c’est vraiment ça que je retiens de Kérozène : un roman-fables (qui s’est d’ailleurs renforcée quand, lors d’une rencontre, Adeline Dieudonné a expliqué la genèse du roman : des nouvelles antérieur qu’elle avait voulu mettre en scène et étoffer) sur les dérives de l’être humain, entre pamphlet et thriller.
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